Les habitations et le leg des plaines littorales préservées

« La grand-case   s’élevait au centre des dépendances, des bâtiments et des paillotes. A partir d’elle, rayonnaient les champs, les jardins, les emblavures de café escaladant la pente des arbres au bois précieux. Elle dominait le tout, semblait tout aspirer. Le harassement des bœufs, le désarroi des nègres, les belletés de la canne, le chuintement des moulins, cette boue, ces odeurs, ce pourri de bagasse existaient afin de nourrir ses beaux-airs de puissance ».

Patrick Chamoiseau, Texaco, Gallimard 1992

Site de l’habitation château Dubuc

La colonisation de la Martinique s’est effectuée par des concessions qui, avec le développement de la canne à sucre, ont formé des habitations, véritables unités économiques largement autosubsistantes. Même si elles ont prioritairement occupé les basses plaines, plus faciles à cultiver, plus proches de la mer pour le transport des marchandises, elles ont pu se développer à peu près partout, indépendamment du vent, de l’ensoleillement, des pentes. Même l’eau n’a pas été totalement déterminante dans l’implantation des habitations : la main d’œuvre esclave, peu coûteuse, a remédié au manque en creusant des canaux d’adduction.

Les dessins de Revert (la Martinique) d’après les cartes anciennes montrent comment la population a basculé des habitations vers les bourgs avec l’abolition de l’esclavage.

Exigeantes en main d’œuvre, ces habitations sucrières concentraient chacune « sa » population esclave, sous forme de cases géométriquement rangées, placées sous le vent en arrière de la maison du maître, à peu de distance des bâtiments d’exploitation et des moulins. Les cartes du dépôt de la Marine et les plans anciens en rendent compte. En dehors des habitations, les structures villageoises ou urbaines restaient donc très faibles, embryonnaires.

Les rares villes étaient portuaires pour les besoins des échanges commerciaux (Saint-Pierre) et de protection militaire (Fort-Royal qui deviendra Fort-de-France). Saint-Pierre comptait plus de 10 000 habitants en 1731, plus de 15 000 en 1751 (dont 7 900 au Mouillage), contre seulement 4 000 à Fort-Royal. Ailleurs, seules les rades bien protégées, capables d’accueillir les navires, connurent un petit développement urbain : La Trinité et Le Marin. Les autres bourgs restaient très modestes.

Ils ne se sont développés qu’à partir du XIXe siècle : après 1830 avec les affranchissements de plus en plus nombreux qui ont commencé à conforter la population des bourgs ; et surtout après la libération de 1848 qui provoqua un énorme afflux vers Fort-de-France et Saint-Pierre.

Habitation Saint-Etienne (vers Gros-Morne, rivière de la Lézarde)

En termes d’architecture, les maisons des habitations (la maison des planteurs) ne prennent pas un caractère unique : elles sont soumises aux goûts de leurs propriétaires. Mais généralement elles sont construites avec une solidité exceptionnelle, et bien adaptées au climat : le plus souvent sur un étage, avec une véranda continue et ouverte sur tout le pourtour de la maison, qui offre ainsi en permanence, quelle que soit l’heure et la saison, de l’ombrage et de la fraîcheur ; avec une grande salle dont la pénombre fait contraste avec la lumière crue de l’extérieur et qui entretient, du haut en bas de la maison, un léger courant d’air.