Les cycles de cultures coloniales

La carte de Blondel (1660) photographie au sol la fin du premier cycle de colonisation tourné vers le pétun (tabac) et l’indigo. Le littoral bordant la mer des Antilles est vigoureusement colonisé et les habitations remontent en partie vers l’intérieur des terres.

Le cycle suivant est consacré à l’indigo et à un premier essor du sucre. Il provoque la lente progression du défrichement et de l’occupation coloniale dont on trouve le bilan sur les cartes de Bellin et de Jefferys. A cette date il n’est pas un cap, pas une baie qui ne soit approprié et nommé. Les habitations, en particulier les habitations sucreries, ont fait du littoral une continuité humanisée par proximité.

La fin du XVIIIe siècle, avec un cycle du café et du cacao au démarrage hésitant voit la conquête des zones intérieures par la canne à sucre, consolidée par les occupations britanniques : on en trouve deux bilans cartographiés par Moreau du Temple, en 1770, et par Moreau de Jonnès, en 1816.

Un dernier cycle de conquête préindustrielle, en tout cas antérieur au machinisme à vapeur, s’achève en 1840 avec la mise en valeur croissante des terres de l’intérieur et la montée des habitations-sucreries à la conquête des derniers mornes.

Jusqu’au début du XXe siècle, la recherche du littoral paraît fondamentale et la mer est le véritable poumon de l’unité de production et de vie qu’est l’habitation  , car elle seule maintien le lien avec l’extérieur.

La colonisation de l’île commence par le front de mer, progresse tout autour de l’île et remonte les « estages ». Le rivage est également le « chemin de l’eau » où se manifeste la puissance régalienne. Chaque habitation   littorale trouve par la mer un lien organique avec son développement économique et technique, car les communications terrestres demeurent longtemps difficiles et aléatoires. Il en subsiste un habitat dispersé, rassemblé au centre de chaque habitation  , mais dont la vie et les préoccupations tournent le dos à la mer. Pendant deux siècles, le littoral est la zone connue et entièrement partagée et exploitée qui pousse une frontière de colonisation vers l’Est montagneux. La révolution industrielle, avec le développement des voies ferrées et des usines centrales, affranchit chacune d’elles de cette dépendance vis-à-vis de la côte, mais dans le même temps la marginalise et la tient désormais à l’écart des grandes transformations.

Une constante demeure, le découpage foncier. Conçue initialement pour l’appropriation du littoral, la concession en lanières entre « le battant des lames et le sommet des montagnes » est transposée lors de la colonisation de l’intérieur en bandes allant de la rivière, parfois du chemin, au sommet de la montagne. Une autre constante apparaît à la lecture des cartes : au fil du temps, les zones planes sont le domaine de la concentration foncière, tandis que les zones de relief le sont de la division. On peut même constater que plus la région est pentue, plus les exploitations sont petites, le paysage   monotone des grandes plantations de plaines s’opposant aux jardins des mornes.